Hommages rendus à Bernard Delpal , Fondateur de PMH, le 9 mars 2024

Il y a quelques années, alors que j’hésitais à entrer à PMH comme membre actif, me trouvant un peu trop âgée, il m’avait dit, de façon sérieuse, “Nul ne sait le jour ni l’heure”.- Après, nous avons travaillé – . C’est sa voix que j’ai écoutée en moi ces derniers jours.

La gratitude que j’éprouve envers Bernard Delpal est indéfectible. Merci pour le cadeau qui m’a été fait en me permettant de rendre mémoire et hommage à la population mêlée de Châteauneuf-de-Mazenc qui a fait de ce village, après 1950, sur la base d’idéaux partagés, un prémisse d’Europe.

Il m’est impossible de penser à Bernard Delpal sans penser au monde troublé. Il était tenace, entre demi-sourire et lueur du regard passant au dessus des lunettes, il portait sa mission de passeur des valeurs humaines. Il gardait de façon laïque, avec vigilance et rigueur, la lampe allumée.

Le manque de Lui va s’inscrire à différents niveaux. Dans l’immédiat, c’est à celui de sa famille que l’on pense. Quoi dire, quoi oser dire pour vouloir réconforter. On peut penser qu’il n’aurait pas souhaité une autre fin que celle de l’Artiste qui meurt en scène au milieu de projets et de choses en cours. Il aimait aussi les Artistes.

Avec peine.

Liliane Chabanis.

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Il est difficile de n’évoquer de Bernard que son rôle au sein de l’Académie drômoise que j’ai représentée aujourd’hui parmi vous, Annie Friche, sa présidente, regrettant de n’avoir pu se libérer.
C’est difficile car trop de souvenirs personnels m’assaillent, depuis notre première rencontre en septembre 1969 dans la chambrée d’un régiment de hussards à Provins où le hasard nous avait placés à côté l’un de l’autre.
Au fil des années, nous avions tissé une rare, solide et inestimable amitié, ponctuée par des voyages parfois lointains que Bernard organisait pour nous faire découvrir l’intimité d’autres cultures.
Mais tout cela est hors du cadre de ce bref propos que je dois respecter.

Bernard avait été reçu à l’Académie drômoise dans la section Lettres en 1994, six ans après qu’il ait publié sa thèse de 3e cycle Entre paroisse et commune alors qu’il préparait une thèse d’État publiée en 1998, Le Silence des moines.
On ne peut dresser ici un catalogue exhaustif de ses œuvres et l’on se bornera à citer À Dieulefit, nul n’est étranger (2014), Religion et enfermements (2015), L’album de Beauvallon (2016), Résistances juives (2018). Outre de très nombreux articles de revues spécialisées dans l’histoire des religions, il signait aussi dans la Revue drômoise et dans les publications de notre Académie (Étienne Martin avec Philippe Bentley dans La Drôme des artistes, Maurice Bouton, père Jean de la Croix, le pasteur Marc Boegner dans La Drôme des lettres, Marcel Légaut dans La Drôme des sciences, Pierre Emmanuel dans Addenda…. Il a également co-signé plusieurs ouvrages collectifs, notamment avec Jean-Dominique Durand et Claude Prud’homme 100 ans de catholicisme social à Lyon et Le grand exil des congrégations religieuses.

Durant cette trentaine d’années au sein de notre Académie, il a toujours été fidèle et actif, ne craignant pas de couvrir des kilomètres pour participer aux réunions plénières ou de bureau.
C’est lui qui a eu l’idée de poursuivre l’œuvre de Justin Brun-Durand qui a donné lieu à la publication de quatre ouvrages La Drôme des artistes, La Drôme des sciences, La Drôme des Lettres et, tout récemment l’Addenda.
Je me permets d’emprunter à Laurent Jacquot, lui aussi membre de l’Académie drômoise, une formule aussi lapidaire que juste : « Bernard était un des hommes les plus cultivés que je connaissais, toujours mesuré dans ses propos, il représentait le meilleur de l’université française. »

Doté d’une mémoire exceptionnelle, Bernard exprimait ses idées personnelles avec conviction, certes, mais sans passion, respectant toujours les opinions de ses interlocuteurs.
Je ne donnerai qu’un seul exemple pour illustrer cette affirmation. À l’occasion de la rédaction de La Drôme des Lettres, une polémique était née à propos d’un écrivain drômois arrêté et condamné à la Libération pour trahison. Pouvions nous lui consacrer une notice au regard de la qualité de ses œuvres littéraires ou devions nous le jeter dans l’oubli ? Bernard nous avait sagement permis de trancher en faveur de la première solution, après avoir convaincu l’assemblée que l’histoire doit s’attacher à reconstituer les faits tels qu’ils ont été et non tels qu’on souhaiterait qu’ils fussent.

L’Académie drômoise a perdu un de ses membres les plus remarquables. Mais elle n’est pas la seule.

Alain Balsan.

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Je n’ai pas eu l’occasion de rencontrer souvent Bernard Delpal. Ce ne fut qu’à partir de 2021/2022 que nos rencontres furent plus fréquentes pour préparer avec l’association PMHce que l’on a appelé : « L’Eté de la céramique ». Ce fut pour moi un partenariat important car, en interne, nous n’avons pas les ressources humaines à ce jour pour nous pencher autant que nous le souhaiterions sur ce passé céramique, même si cela fait partie de nos missions.

Cette idée d’unir, de faire dialoguer différentes générations de céramistes au travers des expositions réalisées dans le cadre de cet été 2022 relève typiquement du travail de l’historien, car comme le définit Marc Bloch, « l’histoire est une science des hommes dans le temps qui, sans cesse, a besoin d’unir l’étude des morts à celle des vivants ».
J’imagine combien cette plongée dans les archives céramiques du territoire a dû être passionnante pour lui.

Ce fut une belle épopée que la mise en place de cet été de la céramique et l’occasion de beaux échanges autour de ce passé et ce présent potier si riche sur notre territoire, avec Bernard mais également les autres membres de l’association PMH qui ont porté cet évènement.

Pour moi ce qui a été le plus touchant, ce fut les nouveaux échanges début 2023 avec cette envie de poursuivre des actions en lien avec la Maison de la Céramique et le patrimoine potier du territoire.

Il avait ce souhait de poursuivre l’action « Ouvrez vos placards » en travaillant sur l’idée d’une collection virtuelle, car ce qui fait patrimoine, ce n’est pas seulement ce que les institutions conservent mais ce que tout un chacun possède chez lui et notamment sur cette filière. J’ai été surprise en visionnant le diaporama réalisé pour cette occasion par le Collectif Citoyen de voir combien vous étiez riches de céramiques, autant celles du passé, que celles qui constitueront notre patrimoine de demain.
Imaginez donc ma joie de pouvoir toutes les faire entrer au sein de notre musée de manière virtuelle… J’espère que ce projet perdurera au sein de PMH.

Autre point qui nous réunissait avec Bernard : notre attachement à la Poterie Robin, et l’envie que ce lieu, son patrimoine et son histoire puissent perdurer. C’est aujourd’hui en bonne voie et je suis heureuse de savoir qu’il y aura contribué autant grâce à son mandat d’élu qu’à sa stature d’historien. Il serait content de savoir qu’aujourd’hui nous conservons des archives de l’ancienne faïencerie Coursange, donnés par Sandrine Delmas, ainsi que les archives de la poterie Robin.

Comme les témoignages précédents ont pu le montrer, la connaissance de l’histoire locale doit beaucoup au travail de Bernard Delpal et à ses côtés aux membres de l’association PMH. Merci donc à eux d’œuvrer pour que l’histoire/la mémoire perdurent, ils contribuent ainsi à mieux nous faire comprendre d’où nous venons et où nous allons.

Nadège Locatelli.

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Un grand merci à PMH de me donner l’occasion d’exprimer ma profonde reconnaissance pour l’engagement de Bernard sur le projet Territoire Zéro Chômeur de Longue durée, et la chance que j’ai eue de partager avec lui nos joies et nos enthousiasmes et aussi nos doutes concernant cette idée particulièrement innovante.

Depuis le premier jour, en 2019, où nous avons découvert ensemble l’existence de ce projet national et l’apport majeur qu’il pouvait représenter pour les personnes de notre territoire, exclues de l’emploi, Bernard en a été le soutien essentiel.

A la fois en tant qu’élu, et même avant son élection, il a porté les arguments socio-politiques auprès de ses pairs, il a développé et expliqué inlassablement aux uns et aux autres, parfois réticents, l’intérêt à long terme d’un tel projet pour l’amélioration du vivre ensemble.

J’ai admiré sa réflexion et son action toujours soutenues avec la détermination et l’honnêteté scrupuleuse qu’on lui connait.

Il a agi comme élu, mais aussi comme ami, avec qui j’ai eu le bonheur de partager de très nombreuses discussions, parfois fort tard, sur la stratégie mais aussi sur le fond du projet, discussions au cours desquelles j’ai découvert que ce combat s’inscrivait pour lui dans la continuité de toute une vie, de toute sa vie.

Un fort engagement malgré les difficultés, aucun reniement, l’horizon en ligne de mire. Rester confiant. Viser haut.
Pour lui, il était essentiel, aux côtés de l’écologie et de la démocratie participative, de placer un troisième pilier : l’attention aux plus fragiles, en particulier dans l’inclusion par l’emploi, pour redonner espoir et dignité, et que chacun puisse être acteur de sa vie.

Cette fameuse « égalité » de nos frontons et le « droit d’obtenir un emploi » promis par notre Constitution.

Il faisait souvent référence à la première rencontre régionale à laquelle nous avons participé (nous découvrions, alors, l’étendue de cette expérimentation), où il a été longuement évoqué que les personnes privées durablement d’emploi étaient au centre du projet, et que ça n’était pas un « dispositif » de plus mais un changement de regard, un renversement de la question du chômage de longue durée :

Créer des emplois qui, d’abord, tiennent compte des difficultés de vie et des idées des personnes éloignées de l’emploi, des « invisibles », permettrait de remettre de la dignité et de l’estime de soi, au lieu de stigmatiser les « chômeurs ».

Oui grâce à lui ce projet a avancé, a infusé les esprits, doucement, parfois trop doucement, il a même parfois reculé, mais Bernard a toujours pensé qu’il était vital d’avancer maintenant, de profiter de l’ouverture créée par la nouvelle loi d’expérimentation de 2020, avec ce consensus unanime des parlementaires.

Sa combativité, sa ténacité, toujours. Sans écouter sa fatigue……

Aujourd’hui ce projet va sûrement vivre une étape essentielle dans les semaines qui viennent, et j’ai la conviction que sans Bernard nous n’en serions pas là.

Merci.

Pierre Cambon.

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Quand Bernard Delpal m’a contactée en 2010 pour me demander de participer à la réalisation d’une exposition sur la santé à Dieulefit, des années 1920 aux années 1970, j’ai d’abord été effrayée par la lourdeur de la tâche… mais en fin de compte ravie de contribuer à ce travail, Bernard ayant su me communiquer son enthousiasme et ayant été très persuasif.

L’histoire de la santé est un domaine important dans l’histoire d’un pays, de ses habitants, de son économie.
Cette exposition a été présentée à la Halle de Dieulefit le 4 mai 2013 après 3 ans de travail, travail de toute une équipe dont le chef d’orchestre était Bernard.

J’ai retenu plusieurs points forts : ma rencontre avec l’équipe de PMH, la collaboration avec la mairie et notamment France Imbert, le recueil des témoignages des patients : leur vécu, leur souffrance au moment du diagnostic de la maladie, les traitements parfois lourds, les séparations familiales.

Un peu d’histoire, Bernard y tenait beaucoup : dès 1830, à Dieulefit, on parle de thermalisme, avec les eaux sulfureuses et ferrugineuses des Vitrouillères qui je cite « dissipaient les inflammations, guérissaient les maladies de la peau et les vieux ulcères ».

En 1850, balnéothérapie dans le quartier des grands prés, un médecin le Dr Faucon y crée des bains résineux qui soignaient les rhumatismes.

Et fin 19e arrive la notion de climatisme, venue d’Allemagne, traiter les maladies infectieuses par les bienfaits du climat, historiquement : la tuberculose qui fait rage à l’époque.

Pour cette exposition, 24 panneaux seront réalisés parmi eux, un panneau sur l’histoire de la tuberculose, et là, Bernard m’a fait revoir mes dates : en1818, Laennec invente le stéthoscope, en 1882, mise en évidence du bacille tuberculeux par Robert Koch, puis découverte des rayons X par Röntgen outil de base de la détection de la maladie. En 1924 Calmette et Guerin mettent au point un vaccin, le BCG, et en 1946 la streptomycine est mise à la disposition des Français.

Un autre panneau est consacré aux médecins qui ont développé la médecine à Dieulefit, ont eu l’intuition du climatisme, du tourisme, ont œuvré pendant la guerre pour soigner résidents, réfugiés et blessés, ont participé à l’essor de Dieulefit dont les pionniers : les Dr Luigi, Préault, Springer, Deransart, Granjon, Berron, Eberhard…

Mais les patients dont les bronches suppurent de façon chronique ne sont pas tous tuberculeux, on parle alors de la maladie de LAENNEC ou dilatations des bronches, ou « bronchectasies ». Deux panneaux sont consacrés à cette affection et son traitement.

Il fallait créer pour ces patients qui étaient souvent envoyés à tort en sanatorium, des établissements, c’est ce que l’on a réalisé à Dieulefit : pensions, maisons d’enfants, établissements pour adultes, plusieurs tableaux seront consacrés à ces établissements dont l’hôpital local, le Belvédère, Beauvallon, Le Jas, Bellevue, Réjaubert et l’œuvre des villages d’enfants.

De même l’exposition montre l’importance de la médecine de la personne et de l’éducation thérapeutique : plusieurs médecins dieulefitois ont travaillé au développement de la personne. On ne peut réparer le corps en délaissant l’esprit et en ignorant les ressources de la nature. C’est la médecine anthroposophique : l’homme y est considéré sous son triple aspect corps/âme et esprit. A partir de 1961 à Dieulefit, un groupe de médecins soucieux de développer la médecine de la personne a tenu un séminaire d’été à l’école de Beauvallon, autour – entre autres – du Pr Tournier de Genève, les Dr Sorano, Granjon, Préault.

A partir des années 60, les établissements se modernisent et dans les années 1970 surviennent quelques inquiétudes liées aux différentes lois hospitalières. S’en suivent la fermeture de Réjaubert et la réorientation de Beauvallon en cardiologie.

EN 1997, l’Agence régionale de santé demande aux 3 établissements Le Jas, Bellevue, Beauvallon de fusionner, l’association Dieulefit-Santé est créée en 1998 et l’établissement du même nom inauguré en 2008, centre de soins et de réadaptation cardiorespiratoire.

Pour terminer, je voulais souligner que pendant les 3 années de préparation de cette exposition, les membres de l’association PMH sous la houlette de Bernard ont rencontré de nombreuses personnes : personnel de santé en retraite ou toujours en activité, employés des établissements, anciens patients, habitants de Dieulefit dont certains témoignages se trouvent dans le livret.

Merci Bernard d’avoir pu nous permettre de réaliser ce travail ; tu as su nous guider, nous aider dans nos recherches, encourager nos efforts, nous corriger, toujours avec rigueur et bienveillance.

Merci Bernard, tu m’as tellement appris au cours de ces années, toujours avec brio et tellement de gentillesse, tu m’as permis d’accéder à PMH, d’en être la présidente pendant quelques années, et vous retrouver tous a été un vrai bonheur… Tu nous manques Bernard et tu nous manqueras…

Françoise Barnier.

Télécharger le témoignage de Françoise Barnier sur l’histoire de la santé à Dieulefit.

Avec ce livret retraçant l’histoire de l’hôpital¹, ce n’est pas sans émotion que je témoigne de ce que Bernard Delpal a apporté au pays de Dieulefit, avec la contribution de PMH et ses partenaires habituels.

En 1869, grâce à la volonté opiniâtre de Pierre-Théodore Morin, maire de Dieulefit, un décret impérial autorise enfin un projet d’hospice pour soigner vieillards et indigents. Le conseil d’administration se compose à parité d’élus catholiques et protestants, et d’un percepteur contrôlé par le préfet. En 1920, des sœurs de la Providence de Gap sont embauchées. Dix ans plus tard, le Dr Luigi obtient l’ouverture d’une salle d’accouchement privée dans l’hôpital. En 39/45, des résistants et réfugiés seront soignés dans l’hospice, en toute discrétion. Il faudra attendre 1952, et la détermination du Dr Springer et de la municipalité, pour qu’une maternité publique voie le jour. Malgré la récente modernisation du nouvel « hôpital local », en 1976, la maternité doit déjà fermer, faute d’un quota suffisant de naissance. Chocs successifs pour les habitants, car en 1980, les religieuses durent quitter l’hôpital après 60 ans de service ! Un vaste programme de formation professionnelle du personnel commence. Dans les années suivantes, des malades en court et moyen séjour sont soignés dans le nouveau service médecine, et des soins externes sont prodigués à la population par une infirmière. Les radios et les petites urgences sont assurées par les trois médecins du nouveau groupe médical, mitoyen de l’établissement. En 1990, les analyses sont confiées au nouveau laboratoire de biologie médicale du Jabron, ce fut un gain de temps précieux pour les médecins. Dans les années 2000, maison de retraite et long séjour deviennent EHPAD. À partir de 2011, des travaux d’extension et de rénovation facilitent l’organisation professionnelle et contribuent à l’humanisation avec une majorité de chambres individuelles. Fusionnant en 2017 avec l’hôpital de Montélimar, l’établissement s’intègre au GHPP—Groupement Hospitalier Portes de Provence. Courant 2023, le service SSR—Soins de Suite et Réadaptation, est transféré sur l’hôpital de Montélimar. Bernard Delpal était très préoccupé des conséquences de la suppression des 12 lits du SSR, pour la population âgée en particulier.

Dès janvier 2011, alors que les travaux de modernisation transformaient l’hôpital, Bernard vint rencontrer un groupe de résidents en prévision d’expositions PMH. Les témoignages ont fusé, à commencer par ceux relatifs aux accouchements, avec la célèbre sœur Élise et le dévoué Dr Springer. Bernard avait l’art de recueillir les paroles en s’adaptant à chacun avec sa bienveillante attention. Il sut repérer les pépites transmises par des femmes âgées évoquant humblement les réfugiés ou résistants qu’elles avaient cachés, soignés, nourris. L’historien partagea alors quelques faits d’archives, puisés dans sa prodigieuse mémoire qui n’avait d’égale que sa profonde humanité. Cela suscita l’expression d’autres souvenirs, camouflés, comme le furent eux-mêmes de vieux messieurs, enfin intarissables à confier leurs engagements de maquisards. Bernard invita même monsieur Paul à le guider sur les lieux de parachutage et de fermes/refuge. Réuni par cet intérêt commun, lequel des deux était le plus passionné ?

Cinq ans plus tard, le 25 novembre 2016, jour de l’inauguration de l’hôpital agrandi et totalement rénové, Bernard présenta l’exposition « 50 ans de modernisation et d’humanisation » précisant : « Un hôpital, élément essentiel du patrimoine social et sanitaire de la cité, est d’abord une communauté humaine au sein de laquelle chacun a sa place, son histoire, et concourt ainsi à celle de l’institution ».

En 2018, pour préparer les 150 ans de l’hôpital, avec sa rigueur légendaire Bernard Delpal m’avait préparé des questions ciblées. Durant deux ans, je pus ainsi conduire les entretiens auprès de plus de 35 témoins et en transcrire les récits.

Avec son intérêt pour la mémoire individuelle, étayée des archives de la grande histoire, notre chercheur émérite a démontré aussi que le champ de ses publications pouvait être illustré par une pensée philosophique « Quand la civilisation n’est pas soin, elle n’est rien. » Cette citation de Cynthia Fleury préface le livret.

En conclusion, j’éprouve une sincère gratitude d’avoir pu œuvrer avec Bernard Delpal, en particulier sur ce projet. Gratitude profonde à Bernard. Une présence. Un Homme. Féru d’histoire contemporaine, dévoué à la véracité du patrimoine immatériel, de Dieulefit notamment, Bernard, vous aviez investi passionnément vos compétences scientifiques et pédagogiques, vers la démocratie et plus de paix entre les peuples.

Clothilde Daublain.

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1 — Livret « L’hôpital de Dieulefit, 150 ans d’histoire ». En couverture une œuvre de Jacques Pouchain.

Télécharger le témoignage de Clothilde Daublain – exposition sur l’hôpital de Dieulefit

Je suis très heureuse de témoigner ici et de pouvoir rendre hommage à Bernard. Cela fait 26 ans que mon mari Richard et moi, nous habitons à Dieulefit. Nous connaissions Bernard depuis plus de 15 ans.

Mon premier contact avec Bernard était en 2007. Le FIEF à Châteauneuf-de-Mazenc m’avait priée de traduire une conférence de Bernard sur la Résistance civile pour un groupe allemand. Après le séminaire, en sortant de la salle, Bernard me demandait: “Vous êtes professeure d’histoire et de français?“ et continuait avec un certain sourire: „ Pas que vous soyez tombée dans un piège: Je cherche une personne comme vous pour la traduction des Journaux Intimes de trois femmes allemandes réfugiées pendant la 2ème Guerre Mondiale à Dieulefit.“

Bref, quelques mois plus tard Richard et moi, nous avons commencé à traduire les Journaux de Hilde Gottesmann, Elisabeth Springer et Ida Jauffron-Frank – un gros travail, mais très, très intéressant et passionnant parce que les textes reflétaient la vie quotidienne des exilés et réfugiés et encore plus: Hilde Gottesmann racontait, par exemple, en détail sa visite au camp du Vernet où son mari Uscha était interné.

Le projet de Bernard était de publier en France et en Allemagne deux livres différents, chacun avec une introduction, des textes choisis et un appareil critique. Pour l’édition allemande, nous avons travaillé dans les archives de Mannheim, étions en contact avec plusieurs historiennes et historiens et différentes éditions – ce, jusqu’à 2021. Nous regrettons infiniment que tout ce travail n’ait pas porté ses fruits: Toutes les personnes contactées étaient fascinées par le projet, mais finalement ils n’avaient pas le temps – débordées d’autres projets. Ainsi les Journaux ne seront malheureusement jamais publiés. Bernard, qui n’a pas non plus réussi à publier en France, était convaincu que ces témoignages auraient trouvé un grand public. Il soulignait qu’il existe beaucoup de témoignages de l‘Occupation, mais pas beaucoup de témoignages des femmes.

Deux ou trois ans plus tard, Bernard nous parlait d’une rencontre avec un Allemand qui s’était d’abord adressé au Centre d’Art à Poet Laval à la recherche d‘un lieu pour exposer les œuvres de son père Ernst Walsken – un artiste allemand qui avait fait ses études à l’Ecole des Beaux-Arts de Düsseldorf. Il avait été arrêté en 1935 et interné en 1937 dans le camp de concentration d’Esterwegen en Basse-Saxe. Le travail des détenus – des soldats des marais – consistait à extraire la tourbe des marais.

Une exposition sur un artiste inconnu avec ses œuvres proscrites à Dieulefit – cela paraissait difficile à Bernard. Mais il avait une idée: Si on intégrait les œuvres de Walsken dans un contexte pour faire connaître le sort des artistes persécutés et opposants au nazisme, exilés et réfugiés dans le Sud de la France – comme Eisenschitz, Wols et d’autres artistes? A travers la biographie et l’œuvre d’Ernst Walsken on pourrait faire une exposition. Le titre d’un livre de Walsken « Warten auf die Freiheit »- « En attendant la liberté » était choisi comme titre de l’exposition en 2013. Peut-être que vous vous souvenez encore de l’affiche avec le peintre Wols au premier plan.

Notre tâche était de lier le contact avec nos collaborateurs en Allemagne. D’abord le fils de Walsken, Ernst-Martin. En plus on communiquait surtout avec le directeur du Musée des Beaux-Arts de Solingen, une ville près de Cologne, et son Centre de l’art proscrit – d’ailleurs unique en Europe. Pendant la période de préparation nous avons fait une visite à Solingen et le directeur Rolf Jessewitsch nous avait montré les œuvres choisies pour l‘exposition à Dieulefit: les œuvres de Preusse, Pankov, Rabus (dessin au crayon du camp de Cyprien), Isenburger et Zügel (Ikarus – L‘Icare présenté dans l‘expo).

Pendant la préparation et la correspondance de plusieurs mois il y avait plein de questions à résoudre: des questions techniques, artistiques, pratiques et financières. Le fait que le directeur du musée répondait souvent avec un grand retard, compliquait la situation. Parfois nos partenaires mettaient notre patience à l’épreuve!

Bernard disait alors : « Je croyais toujours que les Allemands sont bien organisés! »

Malgré ces bémols, la coopération se terminait bien et tout s’arrangeait à temps.

Idem pour la préparation du catalogue bilingue, du même nom : « En attendant la liberté ».Comme nombre d’autres personnes présentes ici, aujourd’hui, nous avons traduit et relu des articles du catalogue.

Bernard projetait en outre une installation artistique permanente – à part de l’exposition temporaire qui d’un mois (fin juillet à fin août 2013) à La Halle et à Saint Pierre et ses 4500 visiteurs. Sous le nom « Chemin des artistes réfugiés », un parcours était tracé, à Beauvallon. Un dépliant était conçu, et notre tâche était de le traduire et de s’occuper de la mise en page de la version allemande.

Depuis 2013, Aline Raffy de l‘Office de tourisme fait des visites guidées du ‚Chemin des artistes réfugiés‘ – avec beaucoup d’engagement et passion. Les visites sont très demandées.

Pendant tous ces mois de préparation, Bernard savait très bien réunir toute l’équipe composée de différentes personnes, avec son excellent talent d’intégrer, sa compétence et son rayonnement. Quelques-uns – unes d’entre vous se souviennent peut-être du briefing et débriefing au restaurant ‚Les Brises‘ où on pouvait s’échanger dans une ambiance très conviviale.

Parfois nous nous sommes demandés où Bernard puisait cette énergie pour tout ce travail. C’était un gros travail, surtout pour lui. Nous, nous avons appris et découvert beaucoup de choses, le travail était énormément enrichissant pour nous.

Avant de terminer je voudrais évoquer nos relations amicales. Petit à petit, nous avons noué des relations plus profondes avec Dannie et Bernard. Il y a 5 ans ils nous ont rendu visite à Aix-la-Chapelle. Bernard était toujours très intéressé à l’histoire allemande et aux évènements politiques en Allemagne. Nos discussions menaient surtout sur des questions politiques, sur l’Europe, les relations franco-allemandes et ces derniers temps sur un problème qui concerne actuellement beaucoup de pays: la démocratie en danger.

Pour 2024 on avait projeté un voyage à Berlin. Nous regrettons beaucoup de ne plus pouvoir faire ce voyage à Berlin avec Bernard.

Un grand ami nous manque, mais quel bonheur d’avoir eu la chance de travailler, discuter et fêter avec lui.

Ulla Jannes.

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J’évoquerai ici les liens particuliers qui unissaient Bernard Delpal à Concertina et à l’équipe qui porte ce projet. Plusieurs membres de l’association ne peuvent être présents en raison de l’éloignement ou sont empêchés. Je parle donc au nom de tous.

Un souvenir transmis par Bernard Bolze, initiateur des Rencontres estivales :
Au printemps 2020, 18 mois avant la première édition, Christine Macé provoque une première rencontre entre Bernard Bolze, Christian Bussat et Bernard Delpal. Ces deux derniers sont colistiers pour la mairie de Dieulefit.
Le projet de Concertina, Rencontres estivales autour des enfermements trouve aussitôt un écho dans la pensée de Bernard. Son séminaire, Enfermements, marges et société, au début des années 2000 à l’université Jean Moulin de Lyon, porte, à lui seul, un intitulé qui fait écho, avec plus de 20 ans d’avance, à celui de Concertina.

La première édition des Rencontres se tient en 2021.
Bernard y participe avec les déambulations guidées autour de l’école de Beauvallon et sur le chemin des artistes réfugiés à Dieulefit. Il anime l’atelier La prison Montluc à Lyon : traversées de mémoire.
C’est encore à lui que revient de présenter l’immense historienne Michelle Perrot, présidente de l’édition 2022. Il intervient cette année-là dans l’atelier Des prisons de l’Ancien Régime à la Tour de Crest.
En 2023, il participe à l’atelier Clairvaux : d’un monastère une prison et, par son entremise, Hans et Brigitte ont traduit les textes de l’exposition Voisins d’Auschwitz.

L’éclectisme de sa pensée et de ses champs de recherche nous ont toujours impressionnés. Oui, il a balayé les sujets des enfermements, des silences et des marges bien avant Concertina.

Sa fidélité et son soutien se sont manifestés par sa présence régulière aux plénières de l’association dans la Drôme.
Il a accompagné nos interrogations et partagé sans compter son temps et son travail.

Bernard a soutenu, par ses recherches et ses arguments, les questions posées par une programmation autour du Rwanda. En octobre dernier, lors de sa venue à une réunion interne, il a manifesté sa joie de pouvoir nous annoncer des solutions positives à venir quant à cette question.
Pour un repas partagé, toujours généreux, il apportait de quoi nourrir un grand nombre de convives. Nous l’écoutions toujours avec un grand plaisir.
Il est, à sa manière et parmi nous, l’un des fondateurs de nos Rencontres.

Catherine Chemla.

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Quand l’itinéraire “Sur les pas des Huguenots et des Vaudois” ambitionne de recevoir le label européen d’itinéraire culturel du Conseil de l’Europe, Bernard Delpal rejoint le Comité scientifique international.

Bernard intègre cette “entreprise itinérante” parce qu’il s’intéresse vivement à la superposition des parcours de ceux qui à la fin du règne de Louis XIV, après la Révocation de l’Édit de Nantes, cherchent à fuir le Royaume de France, et ceux des juifs et réformés du XXe siècle qui fuient le totalitarisme nazi depuis Berlin, la Saxe, le Brandebourg, la Hesse pour gagner le refuge français.
Ce parcours à double sens doit en effet, selon lui, nous inciter à réfléchir aux racines de la résistance, dans une dimension intemporelle. Mettre en résonance des mots qui renvoient à des époques ancienne (les camisards) et contemporaine (les maquisards).
Dès 2010, le voyage d’étude organisé à Berlin par l’Association PMH s’inscrit d’ailleurs pleinement dans cette optique.
Et puis Bernard est persuadé que l’itinérance répond à un besoin de notre temps. Cheminer ensemble, c’est se parler, se questionner, installer une convivialité. Celle-ci prépare à répondre à des situations et des questionnements du temps présent, développe des valeurs communes, au-delà des frontières, des confessions, des appartenances spirituelles ou culturelles.

La manifestation culturelle “Rencontres Voix d’exils” se voulait être le reflet de cette dynamique et Bernard a largement participé à la qualité des différentes éditions.

Ainsi élargir, dé-zoomer, contextualiser ont été les mots clefs de la journée d’études de juillet 2018 “Protestantisme, éducation et pédagogie” organisé ici même dans le cadre de l’Itinéraire des Pédagogues Européens dont Bernard a été une des chevilles ouvrières.
Je voudrais souligner que cela n’a été possible que grâce au large partenariat mis en place :

« Voix d’exils » et « Sur les pas des Huguenots » sont reconnaissants à Bernard de son engagement et ses précieux éclairages et contributions.

Johannes Melsen & Michel Degrand-Guillaud.

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