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Le Père Henri Springer est décédéHenri Springer Berlin light.jpg le 3 janvier à Francheville, maison de la Chauderaie.

Il a été inhumé le 6 janvier dans le cimetière des Jésuites à Francheville. 

Originaire de Heidelberg (Bade-Wurtemberg, né en 1926), il s’est réfugié en France en même temps que sa famille (son père Max, sa mère Elisabeth, son frère jumeau, Georges) au début de la Deuxième Guerre (1939). C’est à Dieulefit (Drôme) qu’il a obtenu son baccalauréat français en 1944. Il entre aussitôt après dans la Résistance où il accepte de grandes responsabilités. Après la guerre, il entreprend des études scientifiques de haut niveau et devient ingénieur-chercheur à l’Institut national de chimie (spécialité : petrochimie). Fin 1953, après la mort de son père Max Springer, il se sent appelé à la vie religieuse. Alors que son frère Georges s’installe à Dieulefit comme médecin (1954), sa vocation le conduit chez les Jésuites. Il est ordonné prêtre (1962)  et enseigne les matières scientifiques. D’une modestie et d’un altruisme exemplaires, il a mené sa vie et son ministère paroissial au service des autres, refusant d’avance toute récompense, et même le moindre remerciement…

 

Ci-contre : lors du voyage de PMH à Berlin, en septembre 2010, le Père Henri commente le Musée du Mur.

 

Jusqu’à ses derniers jours, il a ressenti un fort attachement pour Dieulefit où il venait régulièrement rendre visite à sa belle-sœur, Jacqueline Springer et où il avait, en 2006, accompagné les derniers instants de son frère Georges, frère qu’il aimait et admirait. Il ne manquait jamais de rendre hommage à celles et ceux qui l’avaient accueilli sous l’Occupation, ces héros silencieux et modestes, ces « justes », qui ont sauvé toute la famille Springer de la déportation, à la fois comme réfugiés clandestins et comme « demi-juifs » au regard de la loi de Vichy.

Élevé comme son frère Georges dans la religion chrétienne (ils ont été baptisés à la paroisse catholique en 1934), il n’a jamais oublié le judaïsme dont il était issu par son père, Max Springer. De la même manière, il est resté attaché à la langue et la culture allemandes, à sa famille en Allemagne, notamment la famille Alenfeld (Magdeburg et Berlin).

Lors d’un récent voyage d’études, à Berlin (septembre 2010), il avait longuement exposé à ses compagnons, à l’intérieur de l’exposition “Wir waren Nachbarn” installée dans l’hôtel de ville de Schöneberg, la situation délicate et encore mal connue des « Mischlinge » (« Mixtes ») ou encore « Halbstern » ou  « demi-étoile », expressions qui désignent les demi-Juifs, catégorie de la population allemande à laquelle il appartenait, ainsi que son frère, selon les défintions de Nüremberg (lois raciales de septembre 1935).

 

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Cette situation personnelle, cet itinéraire, joints à sa solide vocation religieuse et son appartenance à la Compagnie de Jésus, lui permettaient d’être une sorte de lien vivant entre le judaïsme et le christianisme. Avec beaucoup de science et de délicatesse, il savait expliquer les situations historiques les plus difficiles en s’appuyant sur sa triple expérience de prêtre, de scientifique et d’intellectuel. C’est ainsi que jusqu’au bout il a prodigué de très précieux conseils à la petite équipe d’historiens franco-allemands qui préparent l’édition du Journal intime de sa mère, Elisabeth Springer. Cette tâche sera menée à son terme en mémoire d’une vie et d’une personne en tout point remarquables, du Père Henri qui était à la fois le dépositaire de ce Journal et le témoin de l’époque durant laquelle il fut rédigé, une époque dont il voulait absolument transmettre la part d’obscurité (le totalitarisme, l’athéisme) et de lumière (la victoire de l’esprit et de la justice).

 

Le Père Henri a été un des co-fondateurs de notre association, PMH, en mars 2008.

 

Il nous a sans cesse incités à travailler sur le sauvetage des réfugiés pendant la Guerre et l’Occupation, juifs et non-juifs, pour restituer ce qu’il appelait “la non-peur”, cette atmosphère de confiance, cet accueil que la population du Pays, prise dans son ensemble, a opposés à la barbarie et la persécution, selon son témoignage. Voir son témoignage lors de la table ronde de janvier 2009 sur les Justes et l’Histoire. Il tenait également à faire reconnaître par les Français la réalité de la résistance des Allemands en France. Tel fut le sens de son intervention lors de la table ronde du 17 octobre 2009.

 

Il a également confié à PMH des documents personnels-dont le précieux Journal de sa mère, Elisabeth Springer- avec la mission de les mettre en valeur et de les utiliser pour une histoire des “Justes” du Pays de Dieuelefit.

 

Ci-contre : les deux jumeaux, Henri (en haut) et Georges (en bas) phtographiés en 1947, alors qu’ils vivent ensemble à Grenoble pour y suivre leurs études. Cette année-là, le Père Henri est un étudiant de Laurent Schwartz, qui achève de le détacher du Parti Communiste. (clichés tirés du livre de Irène Alenfeld – cousine des deux jumeaux : Warum seid ihr nicht ausgewandert ? Ûberleben in Berlin 1933 bis 1945, Vbb Verlag, Berlin, 2008 (480 p.), p. 458.

 

Autres liens :

 

Le Père Henri raconte l’épisode hautement symbolique du drapeau :

 

www.fieflabegude.com/fc/viewtopic.php?f=125&t=696&sid=c033be26

 

Sur la Nuit de cristal à Heidelberg :

 

www.maison-de-heidelberg.org/article992.html?var_

 

On peut aussi redonner le lien vers le film : Dieulefit, village des Justes, au cours duquel il témoigne :

 

http://www.lcp.fr/emissions/docs-ad-hoc/vod/6675-dieulefit-le-village-des-justes

 

width=Intervention du père Henri le 17 octobre 2009 lors de la table ronde : Dieulefit-Berlin-Dieulefit : engagements et résistances communistes.

 

Le Père Henri rappelle, au cours de son intervention, qu’ll est citoyen allemand lorsqu’il entre dans les FTP officiellement, le 6 juillet 1944, juste après avoir obtenu son bac scientifique. Il a dix-huit ans.

 

Ses supérieurs le remarquent, le Parti communiste lui propose une formation de cadre.

 

Il ne donne pas suite à cette proposition et va s’éloigner du Parti au cours de l’année 45. Deux raisons à cela : l’exécution sommaire de prisonniers allemands (dont il avait la responsabilité) et la non-reconnaissance de la réalité de la résistance allemande dans le Midi, niée notamment par un slogan qui l’avait vivement heurté : “À chacun son Boche”.

 

 

 

 

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