Le 6 avril 2010, comme chaque année à cette date, la Maison d’Izieu a accueilli celles et ceux qui ont voulu commémorer la rafle du 6 avril 1944, opérée sur intervention de Klaus Barbie. 44 enfants et 5 adultes ont été arrêtés et déportés.
Les locaux rénovés de la Maison d’Izieu ont été inaugurés en avril 1994 par le président François Mitterrand.
La maison, sous le nom de “colonie”, a été fondée le 10 avril 1943 par Sabine Zlatin, infirmière de la Croix-Rouge, assistante sociale de l’Hérault, et Miron Zlatin, ingénieur agronome. Elle était destinée à l’accueil de jeunes enfants juifs réfugiés.
Le 6 avril 2010, une foule considérable a afflué
vers la Maison des Enfants, en raison notamment de la
venue exceptionnelle de Madame Simone Veil, pour la première fois.
Cette année, les responsables de la Maison ont associé de nombreux jeunes adultes à la commémoration. Si l’on pense assez facilement aux besoins des jeunes enfants (cycle primaire et deuxième cycle), on sous-estime trop les besoins des jeunes adultes.
Le Centre de Formation des Apprentis de Chambéry (CFA) a envoyé une délégation nombreuse. Elle va jouer un rôle remarqué au cours de la cérémonie du souvenir.
Madame Veil se faufile au milieu de la foule, entourée d’une haie d’honneur formée par les jeunes du CFA. Elle est accueillie par la Présidente de l’association, Madame Hélène Waysbord-Loing, et Madame Geneviève Erramuzpé (directrice du Mémorial) en présence du représentant du préfet, de nombreux élus, de haut-fonctionnaires.
Moments d’intense émotion : les élèves -apprentis lisent chacun une dernière lettre des enfants raflés en 1944. Des représentants de l’association allemande AS F viennent expliquer le travail volontaire qu’ils accomplissent à Izieu, au service du Mémorial, et parlent de la conscience de leur (jeune) génération face aux crimes commis par le nazisme.
Madame Veil, après avoir déposé une gerbe, s’est adressée à une assistance très émue et attentive, en remerciant particulièrement les jeunes d’être présents à cette réunion.
Elle a d’abord rappelé combien la déportation à Auschwitz l’avait frappée dans ses affections (une partie de sa famille est gazée en 1945) et dans sa chair, et dans son esprit.
Rescapée de la marche de la mort, elle n’a pas pensé à la vengeance, mais à ce qu’il fallait faire pour éviter le retour de cette barbarie.
La famille Veil n’a pas été anti-allemande : elle a accepté de vivre en Allemagne au lendemain de l’armistice. Ses enfants ont été scolarisés en Allemagne et élevés dans l’idée que les Européens devaient vivre tous ensemble. Madame Veil insiste sur la responsabilité collective des peuples et des générations à la fois dans la commémoration et dans la construction du futur, ensemble. Elle rend hommage à l’action et à la détermination de l’A.S.F. (ASF – action signe de réconciliation pour la paix)
La Maison d’Izieu accueillait cette année son dixième volontaire allemand de l’association ASF. A l’occasion de cette journée de commémoration, les responsables ont souhaité mettre à l’honneur ce partenariat franco-allemand en associant les volontaires venus à Izieu et les responsables d’ASF en France et en Allemagne.
Après la prière du Kaddish, qui marquait la fin de la cérémonie officielle, Madame Veil s’est mêlée aux participants, harcelée par tous ceux qui souhaitaient faire dédicacer à l’Académicienne son récent livre de mémoires.
Nous avons profité de ce moment pour lui remettre le volume publié par PMH et notre partenaire itaien, la Casa della Memoria sur L‘Autre résistance, et le rôle des Justes, deux thèmes qui lui sont chers et qu’elle a développés dans son remarquable discours au Panthéon, en janvier 2007.
Au moment de quitter le site d’Izieu, et de dépasser la croix qui se trouve au bas de la rampe d’accès à ce lieu tragique, on ne peut s’empêcher de s’interroger : comment la Shoah a-t-elle pu se produire sur ce Vieux-Continent européen, marqué par le christianisme ??
Cette terrible interrogation, les jeunes gens de l’ASF ont eu le courage d’en rappeler l’intensité en ce 6 avril 2010, au nom des églises luthériennes d’abord, et de leur génération ensuite.