Deux domaines, pour commencer, constituent la priorité dans la collecte des sources et des témoignages : d’une part l’accueil et le refuge, d’autre part celui de la santé dans ses savoirs et ses pratiques. Un troisième domaine est étudié en lien étroit avec les précédents, celui de l’éducation et de l’accueil des enfants.
Le Pays, des années 30 aux années 60, a accueilli des personnes, adultes ou enfants, en difficulté, en danger, menacés par l’insécurité ou la maladie, ou tout simplement mal intégrés dans la société (enfants « difficiles »). Le mouvement s’accélère avec l’accueil de ceux qui fuient les régimes totalitaires et ne cesse de s’élargir avec les crises européennes successives.
À l’intérieur de ce domaine, une attention particulière est donnée aux réfugiés juifs et aux personnes ou institutions qui les accueillent. Nous sommes particulièrement attentifs aux démarches effectuées par les survivants ou leurs descendants afin d’obtenir des médailles de “Justes parmi les Nations” pour leurs sauveteurs ou leurs ayants-droit. Ainsi pouvons-nous réunir des matériaux historiques particulièrements précieux (témoignages rédigés) pour la connaissance de la période dans les Pays de Dieuelfit et Bourdeaux.
Cette démarche est conduite en lien étroit avec Yad Vashem, représentée dans le Midi par Monsieur Robert Mizrahi.
L’autre domaine, celui de la santé, s’est imposé tant les personnels de santé sont des acteurs incontournables dans la période 1930-1980. Dans un très grand nombre de dossiers, la question sanitaire est centrale.
Il existe une seconde raison pour travailler tout particulièrement ce domaine : une page d’histoire se tourne puisque les trois établissements hospitaliers historiques du pays (le Jas, Beauvallon, Bellevue) ont laissé place en 2007 à une structure nouvelle et unique, Dieulefit-Santé. Il est donc temps de se préoccuper de l’histoire des établissements fermés, de leurs personnels, de leurs patients, de leurs pratiques.
Le thème de “l’Autre Résistance”
Le Pays de Dieulefit n’a pas connu, durant les années sombres de la Guerre et de l’Occupation, d’opération militaire et d’affrontement armé. Les forces d’occupation, italiennes puis allemandes (nov. 1943), surtout, ont accordé leur attention stratégique à la vallée du Rhône ou au Vercors, ou bien à la répression des opérations résistantes armées. Si bien que le Pays a échappé aux représailles et punitions collectives qui ont ensanglanté les villes voisines (Valréas, Nyons, par exemple).
Le Pays de Dieulefit a néanmoins opposé une résistance très efficace au nazisme et au gouvernement de Vichy, d’abord en assurant l’accueil, la sécurité et le réconfort de tous ceux qui sont venus y chercher refuge, adultes ou enfants, Français ou étrangers. Ensuite en organisant la réception des nombreux parachutages qui étaient destinés principalement aux maquis proches et aux combattants du Vercors.
Aucun des réfugiés au Pays de Dieulefit, entre les années 35-36 et la fin de la Guerre n’a été arrêté, torturé, détenu ni déporté. Grâce à une dissémination du refuge dans tout le Pays, grâce à une chaîne de solidarité et de complicité sans maillon faible, grâce à une implication forte de la population, au-delà des différences sociales, confessionnelles, culturelles et politiques, on ne déplore aucune perte, à l’exception de l’arrestation d’un “radio”, à la suite d’une maraude de voiture goniométrique sur le plateau de Comps, mort dans la prison de Montluc (Lyon).
Cette résistance et cette solidarité sont celles des “héros inconnus” comme l’écrit alors un responsable politique réfugié, des “gens ordinaires”, ceux qui ont opposé le bien “quotidien” au “mal ordinaire”. Ce sont ces héros modestes que Simone Veil a salués avec émotion et reconnaissance dans le remarquable discours qu’elle a prononcé au Panthéon, en l’honneur des Justes, en janvier 2007.
Ces “héros ordinaires” ou “silencieux” se trouvent au coeur de notre démarche et de nos préoccupations. C’est ce qui nous rapproche de nos partenaires, à Berlin et à Servigliano. Entre l’histoire des bourreaux (nazisme, collaboration), des victimes, des résistants et partisans armés, nous travaillons sur les témoignages, les récits, les mémoires de celles et ceux qui ont été acteurs (plus ou moins engagés) de sauvetages, de solidarités qui ont eu comme effet principal de soustraire aux persécutions celles et ceux qui étaient ciblés par les oppresseurs. Nous nous intéressons de près à la Société qui met l’État en échec quand celui-ci tente d’anéantir les valeurs de cohésion et de fonctionnement des individus et du groupe social.