Résumé de l’intervention de R. Mizrahi (à partir de l’enregistrement réalisé en séance)

 

     Au mois de mars 1944, des miliciens français font irruption dans l’appartement marseillais où vit la famille Mizrahi. Aux cris de ” Gestapo française”, ils se préparent à arrêter les parents Mizrahi et leurs deux fils. Ils touchaient une prime de 50 francs par Juif arrêté. C’est alors que la famille voisine, les Bertrand, intervient pour secourir les Mizrahi. Cette famille chrétienne est en effet sensibilisée, depuis les grands rafles marseillaises de janvier 1943, aux persécutions et déportations dont les Juifs sont victimes. Leur fille aînée feint alors de venir chercher ses deux frères : sous les yeux des “gestapistes”,  très décidée, elle entraîne Robert et son frère dans l’appartement des Bertrand, en prétextant que la table est mise et qu’on les attend. Les deux enfants sont ainsi sauvés. Les Bertrand les cachent jusqu’aux terribles bombardements du 27 mai 1944. Tandis que le nombre des morts ne cesse d’augmenter, un enseignant du quartier les envoie à l’arrière, dans le Cantal. Une famille catholique pratiquante d’Aurillac les recueille “non comme des petits Juifs, mais comme des petits marseillais”. Plus tard, à cause d’une intervention chirurgicale, les sauveteurs découvrent que les deux petits réfugiés sont juifs. Cette découverte n’a rien changé dans le comportement de la famille d’accueil. Robert se le rappelle avec émotion : ” ils nous ont gardés en connaissance de cause…  sans jamais hasarder la moindre tentative de conversion…. nous attendions le retour de nos parents”.

Les parents ne sont pas revenus. Le père et la mère ont été déportés à Auschwitz (convoi 72, du 27 avril 1944).  Le père a été gazé aussitôt arrivé. La mère, transférée, à Bergen-Belsen, y est morte le 11 avril 1945, juste avant la libération par l’Armée rouge.

 

     Robert Mizrahi et son frère sont donc des enfants sauvés et en même temps privés de leurs parents par l’action ignoble de l’administration française et de ses hommes de main. Sauvés, mais à quel prix, comme le rappelle douloureusement son frère dans le livre qu’il a consacré à leur double sauvetage, sous ce titre.

Au coeur de ce drame, Robert Mizrahi conserve son attachement et sa reconnaissance aux deux familles, à Marseille et Aurillac, qui ont été des justes au péril de leur propre vie. Il a donc éprouvé la barbarie de la persécution et, simultanément, la chaleur de la solidarité.

Cette histoire à deux faces a certainement pesé dans l’offre que lui a faite le consul d’Israël à Marseille en 1997. Le diplomate cherchait un bénévole qui prît en charge les démarches auprès de Yad Vashem en vue d’honorer les Justes de Marseille et de la France méridionale. Et ce n’est pas par hasard, bien sûr, que le consul sollicitait Robert Mizrahi.

     Ce dernier a accepté, car il lui paraît important de ne rien laisser disparaître de la Shoah, ni la douleur inconsolable, ni le courage et les qualités morales des sauveteurs, de ceux qui, chrétiens ou non, ont alors désobéi, résisté et sauvé, parce que, comme l’a écrit le cardinal Saliège, “non … tout n’est pas permis”. Citant enfin le discours du président Chirac (celui qui a reconnu la responsabilité de la France dans la déportation des Juifs durant la Deuxième Guerre mondiale), R. Mizrahi rend hommage aux justes : ” Citadins ou ruraux, vous avez agi avec votre coeur …vous n’avez pas cherché les honneurs… vous n’en êtes que plus dignes”. Tout comme l’est le Pays de Dieulefit, conclut Robert Mizrahi, en renouvelant son soutien à la démarche entreprise auprès de Yad Vashem.

 

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